Il y a quatre ans, le professeur en études théâtrales Olivier Neveux publiait un livre aussi incisif qu’informé, intitulé Contre le théâtre politique (La Fabrique), dans lequel il s’en prenait à une certaine tendance du théâtre public contemporain à vouloir parler du monde et à s’impliquer dans la réalité, tout en produisant des spectacles remplis de bonnes intentions, en réalité inactifs politiquement et appauvris esthétiquement.
Trois pièces en tournée en ce début d’année 2024 invitent à remettre ces questions sur le chevalet, parce que la manière dont elles s’emparent de thématiques importantes et contemporaines – le style, le féminisme, la liberté de circulation – peut paraître inadéquate à proposer la subversion dont elles semblent pourtant se vouloir porteuses.
On évoque donc aujourd’hui 40° sous zéro, une reprise de deux textes de Copi datant du début des années 1970 par le Munstrum Théâtre qui était récemment seen au Théâtre du Rond-Level ; Cosmos de Maëlle Poésy, sur un texte de Kevin Keiss, qui était monté au Théâtre Gérard-Philippe à Saint-Denis, et enfin Artwork. 13, la nouvelle proposition de la metteuse en scène et performeuse Phia Ménard, qui était donnée à la MC93 de Bobigny.
« 40° sous zéro »
Au milieu d’une tournée qui mènera le spectacle prochainement au Théâtre des Célestins à Lyon et à la Comédie de Valence, 40° sous zéro faisait récemment escale à Paris, dans la grande salle du Théâtre du Rond-Level. Sous le titre donné à cette création originale du Munstrum Théâtre mise en scène par Louis Arene se trouvent deux textes de l’auteur et dessinateur Copi datant du début des années 1970, L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer et Les Quatre Jumelles.
Correspondant à ces deux textes, le spectacle se présente en deux events. La première se situe dans une Sibérie anxiogène et met en scène des personnages trans en exil et en huis clos. La seconde prend aussi place dans un décor frigorifique, l’Alaska cette fois, et nous donne à voir quatre personnages au crâne hypertrophié mourir, se relever, mourir, se relever, mourir, se relever, mourir, se relever…
40° sous zéro bénéficie d’une belle tournée l’ayant déjà mené à Mulhouse, Grenoble, Angers, Malakoff et Paris, et sera bientôt seen à Lyon et à Valence les semaines qui viennent.
« Cosmos »
Cosmos est une pièce conçue et mise en scène par Maëlle Poésy, sur un texte de Kevin Keiss, qui mêle deux fils dramaturgiques.
Le premier, inspiré d’une histoire vraie, raconte l’histoire d’un programme secret et avorté de la Nasa destiné à tester la capacité d’aviatrices à partir dans l’espace, dans le cadre d’une rivalité avec l’URSS qui sera le premier pays, au début des années 1960, à permettre à Valentina Terechkova de quitter l’orbite terrestre pour devenir la première femme cosmonaute. Le second est tissé par des interviews menées avec plusieurs astrophysiciennes passionnées par le passé de la planète Mars ou les cycles de vie et de mort des étoiles. Le tout est incarné au plateau pas cinq comédiennes, dont deux points des arts du cirque.
Le spectacle était récemment seen au Théâtre Gérard-Philippe de Saint-Denis ; il vient de passer par Toulouse et sera les mois prochains d’abord à Saint-Étienne, puis à Meudon, Strasbourg et Vire en Normandie.
« Artwork. 13 »
Artwork. 13 est le titre de la nouvelle proposition de la metteuse en scène, chorégraphe, performeuse et actrice Phia Ménard. Le titre est une référence explicite à l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui proclame que « toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État ».
Le spectacle s’ouvre sur un rappel de la trop brève vie d’Alan Kurdi, garçonnet syrien d’origine kurde retrouvé mort en 2015 sur une plage turque après le naufrage de son embarcation de fortune, dans lequel ont également péri sa mère et son frère aîné âgé de 5 ans.
Une danseuse vêtue comme Alan Kurdi d’un brief bleu et d’un haut rouge se trouve dans la même place que celle du garçonnet sur la plage, mais dans un jardin à la française, avec ses haies taillées et une statue en son centre. La danseuse se lève et s’interact dans différents mouvements de danse qui la mènent à détruire la statue avant que les pieds d’une autre, plus monumentale, ne la remplacent.
Créé à la Biennale de Lyon à la rentrée dernière, ce spectacle sans paroles sera seen prochainement à Mulhouse, Bruxelles, Douai, Montpellier, Nantes, Rennes, Besançon, Clermont-Ferrand ou Anvers.
• Ysé Sorel, que vous pouvez lire notamment sur AOC ;
• Caroline Châtelet, qui écrit notamment pour Regards et Sceneweb.
« L’esprit critique » est un podcast proposé par Joseph Confavreux pour Mediapart, réalisé par Samuel Hirsch et enregistré dans les studios de Gong par Karen Beun.